Le temple de Philaé
Histoire
Les monuments de Philaé sont relativement tardifs, les premiers datent des
derniers pharaons au IVe siècle av. J.-C. et les derniers de l’époque romaine,
en passant par les Ptolémées. Le temple principal est consacré à la déesse Isis.
Il est difficile de déterminer quand débuta le culte d'Isis sur l’île de Philaé.
La déesse Hathor était elle aussi vénérée sur l’île. Maîtresse de la Nubie,
c’est sous la forme de la lionne Tefnout venant du sud brûlant qu’elle se serait
reposée là pour la première fois, en terre égyptienne. Sur l’île voisine de
Bigeh se trouvait le tombeau d’Osiris.
Le plus ancien édifice connu remonte au règne de Nectanébo Ier.
De nombreux pèlerins venaient au temple d’Isis durant les périodes ptolémaïques
et romaines. En dehors de l’Égypte, le culte d'Isis était très populaire parmi
les peuplades du Nord Soudan : la déesse était vénérée par les tribus nubiennes
des Nobades et des Blemmyes qui, au début du Ve siècle, harcelaient dans la
vallée la frontière sud de l’empire romain d’Orient.
Malgré ces luttes, l’île de Philaé demeurait un terrain de rencontre pacifique
entre les deux camps opposés. Les prêtres de ces tribus pouvaient, dans son
temple, adorer la déesse Isis. En 453, fut même conclu un traité autorisant les
Blemmyes et les Nobades à emprunter pour un temps déterminé, et à emporter dans
leur pays, la statue de la déesse.
Le culte d'Isis fut, parmi les cultes rendus aux vieilles divinités
pharaoniques, celui qui se maintint le plus longtemps dans l’Égypte chrétienne.
C’est seulement sous le règne de l’empereur byzantin Justinien — qui s’occupa de
manière active de la christianisation de la Nubie —que les temples furent fermés
sur son ordre.
Le pape Théodose II avait décrété, en 426 de notre ère, que la civilisation
grecque était impie et avait donné l’ordre de détruire tous leurs temples. En
Égypte, ils décidèrent de transformer les temples en églises ! Ainsi, à coté de
la porte d’entrée du temple d'Isis, se trouvait un bas-relief représentant Amon.
La tête a été effacée et sculptée d’une croix copte à la place ! On trouve donc
un personnage avec une croix copte en guise de tête surmontée des deux plumes
d’Amon !
Le spectacle Son et Lumières de Philaé écrit par André Castelot permet de
revivre sous la nuit étoilée, les mystères d'Isis ainsi que les dernières
grandes heures de l’Égypte pharaonique.
Le sauvetage de Philaé
Après la construction par les Britanniques, en 1894, du premier barrage
d’Assouan, les temples de Philaé furent en partie immergés par le Nil dix mois
sur douze au grand regret de Pierre Loti : « La noyade de Philæ vient, comme on
sait, d'augmenter de soixante-quinze millions de livres le rendement annuel des
terres environnantes. Encouragés par ce succès, les Britanniques vont, l'année
prochaine, élever encore de six mètres le barrage du Nil ; du coup, le
sanctuaire d'Isis aura complètement plongé, la plupart des temples antiques de
la Nubie seront aussi dans l'eau, et des fièvres infecteront le pays. Mais cela
permettra de faire de si productives plantations de coton !… ».
Pendant 70 ans donc, la visite du temple de Philaé en barque, était un spectacle
où le pittoresque s’alliait à la beauté : « Nous y entrons avec notre barque […]
Mais combien il est adorable ainsi, le kiosque de Philæ[…] ».
En 1979, on commença à construire le second barrage, un travail représentant une
masse de quarante trois millions de mètres cubes de matériaux, projet
constituant une menace pour Philaé. Il prévoyait, en effet, entre les deux
barrages, l’établissement d’un bief. Or, Philaé se trouverait dans la nappe
ainsi créée, entre l’ancienne construction en aval, et la nouvelle en amont.
Certes, dans ce lac de retenue, le niveau serait inférieur à celui qu’il devait
atteindre derrière la nouvelle digue, et inférieur même à la hauteur maxima
actuelle. On aurait une sorte de palier. La masse d’eau incluse n’atteindrait le
pylône principal du temple d'Isis qu’à la moitié de sa hauteur environ. Ce
n’était pas un progrès. Ainsi l’île ne serait jamais plus découverte
complètement au cours d’une partie de l’année. Elle n’aurait plus de saison
sèche ! D’autre part — et là résidait le péril de mort — la masse d’eau devait
subir des oscillations quotidiennes d’une amplitude de six mètres. Il en
résulterait un mouvement de bas en haut et de haut en bas qui finirait par limer
les murs qui s’aminciraient jusqu’à l’écroulement.
Alors se posait toujours la lancinante question : comment sauver Philaé ? Une
solution finit par s’imposer : démonter le temple et le transporter sur l’îlot
Aguilkya à trois cents mètres vers l’aval et que les eaux du Nil ne recouvrent
jamais.
La gigantesque opération fut menée sous les auspices du ministère de la Culture
égyptien, des services d’archéologie du Caire ainsi que de l’Unesco, Mme
Christiane Desroches Noblecourt étant la cheville ouvrière de tous les
sauvetages.
En premier lieu, il a fallu construire autour de Philaé deux parois métalliques
de 17 mètres de haut et distantes de 12 mètres constituées de 850 rideaux
d’acier pesant 1276 tonnes qui, une fois remplies de 200 000 mètres cubes de
sable, formeraient une protection efficace contre la pression de l’eau
environnante. Ensuite l’eau qui se trouvait à l’intérieur de l’enceinte a été
pompée et rejetée dans le lac. L’île asséchée, la vase enlevée, commença
l’enregistrement. Le moyen consiste à employer des paires d’appareils
photographiques de très haute précision afin de donner des photos
tridimensionnelles de chaque monument que l’on peut ensuite reproduire à l’aide
d’un appareil particulier à la stéréophotographie, permettant de tracer une
ligne continue de toutes les constructions sur la surface du monument ; le
dessin de contour résultant de cette opération est alors tellement précis qu’il
donne l’indice de guide nécessaire pour la reconstruction du monument dans son
aspect primitif.
Le cadastre photogrammétrique du temple de Philaé fut effectué par l’IGN qui a
exécuté approximativement six cents enregistrements photogrammétriques
représentant environ 95% de toutes les surfaces des temples.
Les temples ont ensuite été découpés en blocs et extraits du site à l’aide de
barges qui ont emmené les morceaux pour les mettre à l’abri, le temps de les
reconstruire sur leur nouveau site d’accueil : l’île d’Aguilkia, 300 mètres plus
au nord. L’île a été arasée de 30 mètres et remodelée afin de lui donner
l’aspect de l’île de Philaé originale, celle d’un oiseau nageant sur le Nil. Le
transport des temples commença le 9 septembre 1974 et s’acheva deux années plus
tard.
Le gouvernement égyptien, qui avait déjà contribué pour plus de moitié aux frais
nécessaires pour sauver les deux temples d’Abou Simbel, envisagea la question de
fournir les montants requis. Vingt-trois états ont cotisé à la caisse de
l’Unesco ; à ces subsides sont venus s’ajouter les revenus des expositions des
trésors égyptiens qui ont sillonné le monde. Le total de toutes ces
participations a atteint un montant de plus de 15 millions de dollars.
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