Le temple de Louxor
La construction fut commandée par Amenhotep III à son architecte Amenhotep
fils de Hapou. Ce dernier édifia un temple complet avec, en enfilade, naos,
sanctuaire de la barque, salle des offrandes et antichambre[2], cette dernière
flanquée de chapelles reposoirs destinées à la triade thébaine. Le tout est
précédé d’une salle hypostyle ouverte sur une grande cour carrée, la « cour
solaire », bordée sur trois côtés d’une double rangée de soixante-quatre
colonnes papyriformes. Les salles de culte de même que l’hypostyle s’élèvent sur
une plateforme qui porte une longue inscription dédicatoire.
L’ensemble, aux proportions imposantes mais harmonieuses, fut complété par une
colonnade processionnelle d’accueil haute de plus de vingt mètres, formant un
kiosque monumental qui marquait l’entrée du temple. Le programme architectural
s'étendit probablement sur trois phases successives et occupa tout le règne.
Comme il le fit à Karnak pour la cour de son père dont il réutilisa les éléments
dans le massif du IIIe pylône, Amenhotep III avait sans doute détruit ou remanié
un temple plus ancien devant lequel devait se trouver la chapelle reposoir
édifiée par Hatchepsout. En effet, la structure interne est en partie constituée
de blocs de remploi provenant d’un édifice antérieur. Difficiles d'accès, ces
blocs sont toutefois visibles dans les parties est du temple qui furent altérées
à l'époque gréco-romaine. On y a retrouvé notamment des cartouches de Thoutmôsis
IV.
Exécuté dans le plus pur style de la XVIIIe dynastie, l'Opet du sud constitue un
rare exemple de fondation divine du Nouvel Empire qui nous soit parvenu aussi
bien préservé, bien que les murs ceinturant les différentes parties du monument
se soient écroulés ou aient été réutilisés à des époques ultérieures - ce qui
nous permet d’admirer les colonnades depuis l'extérieur du site.
Le temple fut délaissé, voire malmené durant le règne du pharaon « hérétique »
Akhénaton. Les travaux reprirent sous Toutânkhamon et Aÿ, qui achevèrent la
décoration des murs de la colonnade processionnelle en y ajoutant notamment les
scènes de la Fête d'Opet.
L'autre grand bâtisseur à Thèbes, ajoutera le pylône, dont le parvis était orné
de six colosses, quatre debout et deux assis, tous à son nom, ainsi que deux
obélisques et une deuxième cour à portiques, d'un style typique de la XIXe
dynastie, avec ses colonnes massives qui rappellent celles des bas-côtés de la
salle hypostyle de Karnak. Il l'orna ici encore de colosses alternant avec les
colonnes tandis que deux autres colosses assis, à son effigie, précédaient
l'entrée de la colonnade processionnelle d'Amenhotep III.
Pour édifier cette nouvelle cour, l'architecte de Ramsès tint compte de
l'existence d'une triple chapelle reposoir d'Hatchepsout, ce qui explique que
l'axe du monument soit déporté vers Karnak. On ne s'en aperçoit pas au premier
coup d'œil, mais il est impossible d'avoir depuis le pylône une vue axiale du
temple, tant la perspective est ainsi brisée. L'ensemble est cependant trop
admirablement conçu pour que cette particularité affecte l'harmonie des
proportions ; même les obélisques, de tailles différentes, furent placés en
décalé de telle sorte que lorsqu'on a le pylône en face de soi la différence
n'apparaisse pas.
Les deux obélisques furent offerts en 1830 à Charles X par Méhémet Ali, mais
seul celui de droite sera finalement abattu et transporté vers la France. C'est
Jean-François Champollion que le roi avait chargé de choisir le premier des deux
monuments, en partie recouverts de sable. La légende veut que le savant se soit
décidé pour « celui de droite, en entrant dans le palais [sic] », en fait le
plus petit des deux et le moins intact. Quoi qu'il en soit, le transport du
monolithe ne se fit que bien après le retour de Champollion puis sa mort.
L’obélisque fut érigé en grande pompe à Paris, à l'aide de dix gigantesques
cabestans, et s'y dresse depuis 1836 au milieu de la place de la Concorde. En
remerciement, Louis-Philippe Ier offrit une horloge qui orne aujourd'hui la cour
de la mosquée de Méhémet-Ali au Caire, mais, pour l'anecdote, elle fut abîmée
pendant le voyage et ne fonctionna jamais, au dire des Cairotes. Le deuxième
obélisque, qui n’avait jamais quitté l’Égypte, fut officiellement « rendu » par
la France en 1981, au début du premier septennat de François Mitterrand.
L'agrandissement du temple se poursuivit à la Basse époque. Les pharaons nubiens
de la XXVe dynastie y ajoutèrent le mur d'enceinte ainsi qu'un kiosque à
colonnes formant une avant-cour. L'enceinte fut réaménagée ou restaurée par les
Nectanébo de la XXXe dynastie, comme ils le firent pour l'ensemble des temples
de Thèbes. Ils construisirent également l’allée de sphinx qui reliait Louxor à
Karnak, de même qu’un petit temple dédié à Isis.
Thèbes semble avoir été délaissée sinon malmenée par les conquérants assyriens
et perses, et le développement du temple fut abandonné. Alexandre le Grand
réaménagea la salle de la barque, faisant notamment enlever les quatre colonnes
qui soutenaient le plafond. On peut encore voir l'emplacement des bases de ces
colonnes dépassant sous les premières assises de la chapelle. Celle-ci forme
avec la chapelle que Philippe Arrhidheus fit reconstruire pour le temple
d'Amon-Rê à Karnak un exemple irremplaçable de l'architecture divine de cette
période de transition historique pour la ville de Thèbes.
Ainsi, dès le début de l'époque grecque, on peut constater combien les premiers
monarques de la nouvelle dynastie apportèrent une attention particulière aux
sanctuaires de la ville sainte, attestant par là que Thèbes avait retrouvé un
rôle important au cœur de l'Égypte antique.
Enfin, à l’époque romaine, le temple fut partiellement converti en camp
militaire. À cette occasion, les prêtres enfouirent pieusement une série
d’images divines et royales dans une favissa qu’ils avaient aménagée dans la
grande cour solaire d’Amenhotep III. Ces statues, dont certaines sont uniques en
leur genre, y furent découvertes en 1989 et sont actuellement exposées au musée
de Louxor.
Dans sa version « finale », le temple de Louxor mesurait plus de 260 mètres de
long sur environ 50 mètres de large.
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